mercredi 26 mars 2014

Tibou Diabaye, artiste-musicien, auteur-compositeur « J’ai compris que j’étais né pour être musicien »

Encore dans l'ombre, Tibou Diabaye rêve de devenir un artiste de renommée mondiale. Agé de 30 ans, ce jeune alpoular de teint noir et jovial pense déjà à un disque d’or. Dans cet entretien, il revient  entre autres sur ses origines, ses premiers pas dans la musique, la préparation de son premier album.


Pouvez-vous vous présentez à nos lecteurs ?
Tibou Diabaye  est un jeune griot né de parents peulhs. Je suis originaire du fouta, précisément de Démét, un village historique situé dans l’île amorphile (Département de Podor). Je suis artiste-musicien et auteur-compositeur. J’ai toujours aimé l’art des griots que j’ai hérité de mes parents qui sont très respectés dans notre localité. Mon arrière-grand-père Demba Gawlel était le griot d’El hadj Oumar Tall. C’est dans cet environnement que j’ai vécu depuis ma tendre enfance J’ai aussi fréquenté  l’école nationale des arts où j’ai passé 5 années de formation. Depuis 2009 je travaille dure pour gagner ma place dans le paysage musical du Sénégal.

Qu’est-ce qui  vous a poussé à faire la musique ?
Je suis né artiste. Et comme je l’ai dit, je suis né dans une famille de griots. Un griot est naturellement un artiste. En plus, mon père est un grand griot. Il est connu dans tout le fouta et en Mauritanie. Dés le bas âge, mes parents avaient détecté en moi des talents. J’étais choyé par mon père avec qui j’ai sillonné presque tout le fouta et la Mauritanie. Il m’amenait toujours avec lui lorsqu’il allait rendre visite à ses amis. Il m’a appris l’art des griots. Lorsque j’avais 16 ans, je regroupais souvent mes amis chez moi ou sur la place du quartier pour chanter et danser. Je jouais au « Bitikonguel » (il affiche un sourire) (un instrument que nous fabriquions et qui est fait d’un pot qui loge le bout d’un bâton arqué  sur lequel on attache une corde fine). Mais, c’est surtout mon demi-frère Abou Diabaye  qui était lui aussi musicien qui m’a introduit dans le milieu de la musique. En 1999, il est revenu chez nous avec son groupe et j’étais tout le temps avec eux. J’assistais à leurs répétitions à l’occasion desquelles il me demandait de chanter. Ils ont commencé à m’amener dans les veillées culturelles qu’ils organisaient dans le village. Mon jeune âge faisait que mon père ne voulait pas que j’aille avec eux pour chanter. A chaque fois que j’étais absent, le public me réclamait. J’étais devenu le chouchou du public qui était impressionné par jeune âge. Mon père avait fini par comprendre que j’avais la musique dans les « veines ». Ainsi, je partais avec eux dans leurs tournées qu’ils effectuaient dans le fouta et en Mauritanie. A la fin de leurs tournées, ils sont rentrés sur Dakar. Je me suis senti vraiment seul. J’ai compris que j’étais né pour être musicien. J’ai décidé de quitter mon village pour venir à Dakar. J’ai été hébergé par mon oncle maternel  au Sicap rue 10. Son domicile était un lieu de fréquentation de musiciens tels que Baba Maal, Abou Diouba, Guélel Sangott, Ngaari Laaw. Dés fois, mon oncle qui jouait à la guitare m’invitait à chanter. C’est avec sa guitare que j’ai appris mes premières notes. En 2004, ma mère qui se trouve en France m’a envoyé une guitare (il en parle avec émotion). Ce soutien m’a réconforté dans mon vœu de faire carrière dans la musique.

Vous êtes entrain de préparer votre premier album. Quels sont les thèmes généraux que vous y abordez ?
Dans l’album, je développe des thèmes sur la culture poular, en particulier sur celle des griots. J’ai revisité le fonds culturel peulh qui est très riche. Je parle aussi des thèmes relatifs à l’émigration, à l’amour (il prend sa guitare et commence à jouer quelques notes). Je rends également hommage à certains qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui.
.
Beaucoup d’artistes-musiciens rencontrent d’énormes problèmes pour trouver un producteur. Comment est-ce que vous avez trouvé des moyens pour la production de votre album ?

C’est un opérateur économique du nom d’Abdoulaye Elimane Dia qui a financé la production de l’album. Il est aussi originaire de Démét comme moi. Nous sommes leurs griots et nos deux pères étaient des amis. Nos deux familles sont très liées depuis fort longtemps. Ces rapports sont encore très solides. Un jour, je me suis rendu chez lui, je lui ai donné une maquette qu’il a écoutée et appréciée. Aussitôt après, il a pris l’engagement de m’aider à produire un album (son téléphone sonne. Il pinçait encore les cordes de sa guitare. Sa choriste décroche et place l’appareil contre son oreille gauche et il entonne une chanson en souriant). Il y a mis ses moyens et m’a dit qu’il n’attend rien en retour. J’en profite pour le remercier pour sa générosité. Je signale que c’est quelqu'un qui est profondément enraciné dans sa culture.

Quand est-ce qu’est prévue la sortie de votre album ?
L’album va sortir bientôt. L’enregistrement et le mixage ont été déjà réalisés. Nous sommes entrain de préparer un vidéo-clip. Le tournage va se faire la semaine prochaine. Ensuite, il sera mis à la disposition des chaînes de télévision de la place pour la promotion du produit. Et un mois après, nous le mettrons sur le marché.

vendredi 14 mars 2014

A la rencontre d’un citoyen modèle

« Tout ce qui m’intéresse, c’est que le lieu soit propre », ces propos sont de Karim Sylla, technicien de surface. Nez aquilin, teint un peu clair, le chef de dépôt d’ordures de Touba Ouakam n’hésite pas à utiliser ses propres moyens pour soulager les riverains des immondices. D’un abord facile, il est, selon ses proches, nerveux mais très généreux.


 Bouche toujours souriante sur son visage calme et radieux et son énergie « débordante » renseignent à suffisance sur l’amour qu’il a pour son travail. Sa générosité légendaire  dans l’effort l’amène souvent, dés qu’il aperçoit des ménagères dandiner sous l’effet de la charge de leurs corbeilles, à se porter vers  elles pour les soulager. « J’aime l’ordre et la rigueur dans le travail. Je ne sais pas tricher, je l’ai dans le sang. C’est une éducation que j’ai reçue de mon père qui était militaire», révèle ce technicien de surface. Oumy Kalssoum Sy et Houlèye Diallo, ses amies de longue date rencontrées chez lui, confirment cet amour qu’il a pour son travail .Elles soutiennent qu’il travaille même les dimanches et les jours de fêtes. « Dés fois, il reste seul au jusqu’à 3 heures du matin, malgré la fraîcheur, pour dissuader ceux qui seraient tenter de déposer leurs ordures par terre », ajoute Oumy avec émotion.


Né le 24 mai 1978, le chef de dépôt d’ordures de Ouakam est le cadet d’une fratrie de huit enfants. De mère bambara et de père peulh, Karim Sylla parle Ouolof et français. Il a fait ses études élémentaires entre Stella Mariste et l’école Mamadou Diop de Ouakam. Avec les grèves répétitives dans l’école publique, son père l’envoie aux cours privés Bouba Ndiaye Sanb où il étudie jusqu’en classe de 4eme. En 1994, il  décide d’abandonner les études. Pour meubler son temps libre, il initie cette même année, des séances de Set- sétal dans son quartier de Touba Ouakam. Mélancolique, le natif de Pikine aux cheveux roux se rappelle encore, sourire au coin, de ces moments. « Les habitants du quartier appréciaient beaucoup ce que je faisais. Certains me donnaient des pièces de monnaie pour m’encourager. J’arrivais donc à satisfaire mes besoins », explique-t-il.


Cette initiative le mène à AMA- Sénégal où il est recruté le 1er janvier 2004. Avec la rupture du contrat entre cette société de nettoiement et l’Etat du Sénégal  le 22 juillet 2006, il se retrouve au chômage. Il en parle avec amertume que laisse transparaître sa voix étreinte par l’émotion. Il ne s’est pas tourné longtemps le pouce. Car il est recruté la même année à Entente KADAKAR. En septembre 2011, le père de Fatou Sylla devient le chef de dépôt situé au terrain Monténary en face du camp Paul Lapeyre de Ouakam.  
Le regard que certains sénégalais portent sur les techniciens de surface ne gêne pas Karim Sylla. Selon lui, «il n’y a pas de son métier ». « Avec mon travail, j’arrive à entretenir mes enfants et à aider ma mère. Je n’ai vraiment rien à envier à qui que ce soit », ajoute-t-il avec une voix ferme.


Son salaire contraste avec la charge des ordures et de celle de trois  « bouts de bois de Dieu » qui pèsent sur ses  courtes épaules. Selon ses voisins, Karim est un bon père de famille. Depuis 2008, il s’occupe seul de ses enfants. Selon Oumy Kalssoum Sy, il est un père attentionné qui s’occupe bien de l’éducation et du bien être de ses enfants. « Il est généreux avec tout le monde, c’est pourquoi il n’épargne jamais. C’est l’un de ses défauts », révèle-t-elle.


Du haut de son mètre 85, Karim affiche toujours un regard serein qui inspire respect et confiance. De corpulence moyenne, Rimka, comme l’appellent  ses intimes, a un penchant pour les « gros biceps ». Il est un féru de lutte. Les nombreux posters des lutteurs Balla Gaye et Yékini accrochés au mur de son salon en est une parfaite illustration. Son plat préféré est le « mafé ». Le thé lui permet de  « lutter contre la solitude ».



Depuis six mois, Karim Sylla est chargé de l’information et de la sensibilisation du syndicat national des travailleurs du nettoiement à Ouakam. Eu égard à sa riche expérience, il nourrit l’ambition de devenir un jour le responsable national de ce syndicat.