vendredi 28 février 2014

"La pauvreté pousse les jeunes à s'engager dans le terrorisme

 Le Cesti a accueilli ce jeudi, dans le cadre du carrefour d’actualité, Nicholas Kralev, journaliste et expert en diplomatie, en monde des affaires et en voyage mondiale. L’ancien correspondant du Financial Times et du Washington Times a exposé sur le thème : « Diplomatie américaine et bonne gouvernance ». «  Pourquoi voulez-vous être journalistes ? », a-t-il lancé, d’entrée de jeu, à l’endroit des élèves. Après les réactions de quelques élèves, il a rappelé les « trois fonctions du journalisme : informer, éduquer et divertir ». « Ce n’est pas facile de divertir en diplomatie, c’est pourquoi j’ai choisi de mettre l’accent sur les deux premières fonctions », a-t-il précisé. C’est ainsi, explique-t-il, « j’ai commencé à m’interroger sur comment les activités de la diplomatie impactent la vie et l’économie aux Etats-Unis et dans les autres pays ». L’ancien conseiller de Colin Powell a rappelé que la mission de la diplomatie des Etats Unis, c’est de contribuer à la sécurité et à la prospérité du peuple américain. C’est pour cette raison que l’administration américaine est souvent accusée par certains Etats d’ingérence dans leurs affaires intérieures. Selon  Nicholas Kravel, après les attentats du 11 septembre 2001, l’administration américaine s’est rendue compte que pour que les Etats Unis soient sûres et stables, il faut que le monde le soit d’abord. Ainsi, « la meilleure manière de prévenir l’insécurité et l’instabilité des Etats Unis, c’est de faire de sorte que tous les pays soient bien gouvernés », assure-t-il. Pour l’auteur de « L’autre armée américaine », la bonne gouvernance consiste pour les gouvernements à respecter les droits de l’homme et à offrir des services de base et des emplois aux citoyens. C’est à cet effet, poursuit-il que « les Etats Unis appliquent une diplomatie de bonne gouvernance pour éviter que les jeunes s’engagent dans le terrorisme. Car selon lui, l’administration américaine est convaincue que la pauvreté pousse certains jeunes à intégrer les groupes terroristes.


Avant l’exposé de Nicholas Kravel, le Directeur du Cesti, Ibrahima Sarr et Kristine Marsh, Attaché de presse à l’ambassade des Etats Unis, ont magnifié le partenariat entre leurs deux institutions. Ibrahima Sarr a rappelé l’appui financier accordé au Cesti par l’ambassade des Etats Unis pour la couverture de l’élection présidentielle de 2012. Après ce rappel, Docteur Mamadou Ndiaye, enseignant-chercheur,  a fait une brève présentation du Cesti en rappelant son statut de première école de journalisme en Afrique selon une étude de l’Unesco faite en 2007.

jeudi 27 février 2014

PLUME CITOYENNE ET PATRIOTE: Dans l'univers d'un monument à double face

PLUME CITOYENNE ET PATRIOTE: Dans l'univers d'un monument à double face: Perché sur l’une des mamelles de Ouakam, le monument de la renaissance africaine se situe à moins de 200 mètres de l’autre mamelle sur laqu...

Dans l'univers d'un monument à double face

Perché sur l’une des mamelles de Ouakam, le monument de la renaissance africaine se situe à moins de 200 mètres de l’autre mamelle sur laquelle trône le phare.  Sa stature imposante que certains habitants de la capitale sénégalaise  l’aperçoivent de loin. L’opportunité de ce colosse inauguré le 3 avril 2010 continue de faire l’objet de controverses. Selon certaines personnes rencontrées, la fréquentation a baissé du fait  de la conjugaison de plusieurs facteurs.


Le monument de la renaissance africaine surplombe les quartiers de Ndiayène et de Cité Toucouleurs du village traditionnel de Ouakam où des maisons en baraque ou en banco font encore partie du décor. La route des mamelles sépare ces deux « mondes » dont le contraste est intrigant.  Sous le pont de cette route, un gendarme en faction assis sur un banc à 2 mètres des barrières de sécurité, manipule un portable. Deux panneaux sont contigus à ces barrières. Sur l’un sont précisées les horaires de visite. Sur l’autre il est écrit « la pratique sportive est formellement interdite dans l’enceinte du monument de la renaissance ». Sur la question de sécurité, le gendarme en faction affirme : « je ne suis pas habilité à en parler ». Il se lève et montre du doigt son supérieur  qui discute avec des photographes au pied du monument. « Lui pourrait peut-être vous donner des informations », poursuit-il. Interrogé, son supérieur nous fait savoir qu’il leur est interdit de parler aux journalistes. C’est pourquoi, il a préféré requérir l’anonymat. « Il n’y a eu aucun problème majeur depuis l’inauguration du monument. Les visiteurs viennent et repartent en sécurité ». Ousseynou Bissichi, chef des opérations du monument confirme : « la gendarmerie assure la sécurité des alentours, les sapeurs pompiers s’occupent de la sûreté à l’intérieur même du monument ».

« Du point de vue touristique c’est formidable, mais… »

Au pied du monument, des bambins déchaînés et enthousiastes se laissent glisser sur les rebords des marches. Un flux incessant de visiteurs montent et descendent des marches. Parmi ceux-ci, un couple franco-sénégalais. Cingili Guèye, française de taille moyenne contemple admirativement le monument avant de laisser échapper ces mots : « c’est très joli. On sent l’amour. Le papa porte son enfant à côté de sa femme. Ils regardent vers l’avenir ». Cette française affirme qu’il y a un contraste entre cette partie de Dakar et la pauvreté qui sévit dans le reste du Sénégal. Elle ajoute que les touristes qui  ne visiteront que le monument diront que le Sénégal n’est  pas un pays pauvre. « Du point de vue touristique c’est formidable, mais j’estime que l’argent de ce monument aurait mieux servi ailleurs », a-t-elle regretté. Son époux de taille moyenne et de teint noir, lui coupe la parole et corrobore ses propos. Cheikh Bamba  Guèye vêtu d’un costume noir, écharpe bleu-marine nouée autour du cou, estime: « les 18 milliards consacrés à la construction de ce monument auraient pu servir à la création d’emplois pour les jeunes. Cet argent aurait  aussi pu être injecté dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Dans les hôpitaux, si tu n’as de moyens, on ne te prend pas. C’est la pauvreté partout. Le monument est beau, les étrangers viennent visiter, mais pour moi, la priorité était ailleurs ».

Baisse de la fréquentation

Au même moment, des photographes qui rappellent les paparazzis, guettent l’arrivée des visiteurs. Abdoulaye Ba, 29 ans, vêtu d’un jogging de couleur grise, appareil photo en main, fréquente le monument depuis son inauguration. Il confie : « au début, notre travail marchait très bien. Actuellement, ça ne marche plus, car la majeure partie des visiteurs viennent avec leurs appareils numériques ou leurs téléphones portables. Presque tous les touristes étrangers disposent d’appareils numériques. En plus, les administrateurs ont divisé les photographes en deux groupes.  Aujourd’hui  c’est notre groupe qui vient travailler, demain ce sera le tour de l’autre groupe. Cette décision a compliqué davantage notre situation. Les visiteurs se font de plus en plus rares ». «  Si tu vois qu’il ya beaucoup de monde aujourd’hui, c’est parce qu’il y a des élèves (il fait allusion aux étudiants de l’université du Sahel) qui  sont venus visiter le monument. Cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu autant de visiteurs ». El hadj Sarr, les yeux rouges derrière ses grosses lunettes, confirme les propos de son collègue. « Du temps du régime de Wade, il y avait beaucoup de chefs d’Etats qui venaient visiter le monument. Ce n’est plus le cas. Il s’y ajoute que cette route qui passe devant le monument est maintenant fermée aux voitures. Ce qui fait que la fréquentation a considérablement baissé ». Une affirmation que réfute le Chef des opérations du monument. Pour Ousseynou Bissichi « considérablement baissé » c’est trop dire. Selon lui, le nombre de visiteurs varie selon les périodes. «  De juin à juillet et de novembre à janvier, nous recevons beaucoup de visiteurs nationaux et étrangers. En dehors de ces périodes, le flux baisse », a-t-il révélé. Il ajoute que la baisse du flux touristique noté au niveau national n’a pas épargné le monument ».

Ambiance carnavalesque

Des batteurs de tam-tam assistés de deux danseurs sont installés sur la terrasse située à droite des marches du monument. Le rythme mélodieux et les pas mesurés et coordonnés des danseurs immobilisent certains visiteurs. Khadija Sow, tout en sueur après une danse énergique, précise : « nous ne sommes pas des animateurs du monument. Les autorités du monument nous ont donné l’autorisation de faire nos répétions ici. Elles y gagnent aussi car nous sommes là tous les après-midi. Nous faisons de la danse afro comptemporaine et  vous voyez (elle montre du doigt des spectateurs) que les visiteurs aiment ».
De l’autre côté, le théâtre  des verdures accueille, ce samedi, les étudiants de l’université du Sahel dans le cadre d’une sortie pédagogique. Aliou Boiro âgé de 22ans, étudiant dans cette université affiche sa satisfaction de leur visite. « Je passe toujours à côté du monument en voiture. Mais  c’est aujourd’hui que j’ai eu la chance d’entrer dans le monument. Je suis vraiment impressionner par ce que j’ai vu ». Les mains dans les poches de son pantalon bleu-marine, air décontracté dans sa chemise bleu-claire et sa cravate rouge bordeaux flottant sous l’effet du vent qui devenait de plus en plus « agressif », il fixe, admiratif, le monument et lâche : « pour moi ce monument n’est pas du gâchis comme le pensent certains, il est tout simplement une merveille ».
Le déhanchement des étudiants de l’université du Sahel au rythme de coupé-décalé mêlé au son des tam-tam, donne au monument une ambiance carnavalesque.

Durée de vie : 1200 ans

Le monument de la renaissance africaine s’étend sur une surface bâtie de 1154 m 2 sur une superficie totale de 1927 m2. Il pèse 7000 tonnes (la dame 70 tonnes, l’homme 100 tonnes, l’enfant 20 tonnes et le socle en béton armé qui tient la statue en cuivre 6810 tonnes). Sa hauteur est de 52 mètres (de la cheville de la dame jusqu’au doigt de l’enfant). Sa durée de vie est estimée à 12 siècles, soit 1200 ans. La statue abrite en son sein des salles de spectacles et d’exposition, d’une salle VIP dédiée aux personnalités mais ouverte à tous les visiteurs. Le ticket individuel est fixé à 3000 F CFA pour les africains et à 6500 F CFA pour les non africains. Les recettes annuelles sont estimées entre 36.000.000 F CFA et 48.000.000 F CFA. La statue est composée de 15 niveaux. Le dernier se confond avec le bonnet de l’homme. Un belvédère qui offre une vue panoramique sur Dakar.

A 19 heures, de l’esplanade du monument, on aperçoit le soleil afficher ses derniers signes de vie avant de sombrer dans les eaux de l’océan atlantique. La brise « agressive » qui vient de la mer située à quelques mètres de là, contraint les visiteurs à vider les lieux ». Le jeune gendarme en faction lui, semble y être habitué. Il continue de veiller au grain en manipulant toujours son portable.

mercredi 26 février 2014

"La négation de la tradition est à l'origine du conflit en Casamance"


« Ce n’est pas la tradition, mais la négation de cette tradition par l’Etat du Sénégal qui est à l’origine du conflit casamançais. Ainsi,  la seule lecture culturaliste ne suffit pas pour expliquer l’origine de la crise en Casamance. En plus de celle-ci, une lecture politique est nécessaire ». Ces explications sont de Jean Claude Marus, Chercheur associé au CNRS. Il tenait une conférence, ce mercredi, au Cesti dans le cadre du carrefour d’actualité. Ce chercheur s’est aussi interrogé sur le rapport entre le conflit foncier et le conflit armé en Casamance. Dans sa réponse, jean Claude Marus  a soutenu que la confiscation des terres des populations casamançaises par l’Etat du Sénégal a attisé les tensions. Le conférencier précise que cette confiscation est consécutive à l’application brutale et sans concertation de la loi sur le domaine national. Jean Claude Marus ajoute que les populations autochtones ont vu leurs occupées par des étrangers. Selon lui, la crise des années 70 qui a frappé le Sénégal a été à l’origine de la pression exercée sur le foncier en Casamance. En effet, cette crise a occasionné le retour de beaucoup de casamançais dans leur terroir. Des populations venues du nord à la recherche du bien être envahissent  la base Casamance. Ici, la pêche, le tourisme et le commerce donnaient beaucoup de devises à l’Etat du Sénégal.

 La liberté d’expression a été mise en mal par l’Etat du Sénégal. Ainsi, le mouvement social et populaire contestataire est muselé par mes autorités sénégalaises. Jean Claude Marus a aussi souligné l’absence d’une société civile solide capable de porter le combat. Il précise que ce contexte a été marqué  par le discours nationaliste de Abbé Diamacoune Senghor. Un discours qui a été récupéré par Mamadou Krumah Sané, installé en France, qui en devient le porte drapeau. Le chercheur au CNRS n’a pas manqué de rappeler deux événements marquants qui ont précipité la radicalisation du mouvement indépendantiste. Il s’agit de la marche pour l’indépendance de la Casamance du 26 décembre 1982. Cette marche non autorisée, mais pacifique, a fait l’objet de répression et d’arrestation de leaders du mouvement jusque dans les milieux casamançais à Dakar. La mort d’ Idrissa Sagna consécutive à une bavure policière lors d’une manifestation d’élèves en février 1981.


Le conférencier estime à 100 le nombre de villages abandonnés, soit 60.000 personnes déplacées. Jean Claude Marus met en garde tous les acteurs concernés par la résolution de la crise casamançaise sur les risques liés au retour noté de ses populations déplacées.

vendredi 14 février 2014

Amady Aly Dieng, professeur d’économie, « Cheikh Anta est difficile à lire »



Le Cesti a fêté, mercredi, dans ses locaux, la disparition de Cheikh Anta Diop. Cette manifestation rentre dans le cadre de son programme de pédagogie active qui vise le renforcement de la culture générale de ses pensionnaires. En marge de cette conférence, Amady Ali Dieng, professeur d’économie, nous a livré ses sentiments sur la célébration du décès de Cheikh Anta Diop, sur leur contradiction relative à l’unité culturelle de l’Afrique, sur le désintéressement des jeunes par rapport à la lecture.


Monsieur Amady Aly Dieng, je vous rencontre pour  une énième fois dans des lieux de débats et de discussions. A chaque fois, je vous vois avec un sachet contenant un livre. Quels rapports entretenez-vous avec le livre ?

Le livre est l’arme des occidentaux pour nous dominer. C’est nous qui passons notre temps à valoriser l’oralité qui ne laisse absolument rien. Amadou Hampathé Ba dit qu’un vieillard qui meurt en Afrique, c’est une bibliothèque qui brûle, mais tous les vieillards ne sont pas des savants. Le vieillard n’a pas écrit, il a laissé la parole. Il faut que nous acceptions de voir la faiblesse de nos sociétés pour pouvoir avancer. C’est de cette manière seulement qu’on pourrait se perfectionner. Quand on est parfait, on n’a plus rien à faire.

« Où est la bibliothèque de Cheikh Anta ? »

Je conseille aux jeunes de lire, de faire la tradition de bibliothèque. Les gens quand ils meurent, c’est fini. Où est la bibliothèque de Cheikh Anta ? A qui il l’a léguée ? C’est pourquoi  je me suis permis de donner une partie de ma bibliothèque à l’Université de Dakar. Ça va se dégénérer purement et simplement. Dans les lycées, il faut promouvoir la lecture. Même s’il faut reconnaître qu’à l’heure actuelle qu’elle est très difficile à mener parce que il y a l’audiovisuel.

Que pouvez- vous nous dire sur la thèse de Cheikh Anta Diop  relative à l’unité culturelle de l’Afrique ?

Sur cette question, nous avons discuté, lui (Cheikh Anta Diop) et moi. J’ai même fait le compte rendu de son livre sur les fondements culturels dont le titre a d’ailleurs complètement changé entre deux éditions. Les gens n’y font même pas attention. Il y a des passages même qui sont biffés. Pourquoi ça été biffé ? Il y a une raison bien sûr.

« Pour être fécond, il faut être infidèle au texte »

 Les gens font une lecture littérale, ils sont fidèles au texte. Alors que pour être fécond, il faut être infidèle au texte ; C’est à dire y voir des choses qui n’y sont pas. Des choses qu’on ne peut pas voir ou qu’on ne peut pas entendre. Malheureusement, cela fait partie de notre culture. Aujourd’hui, je n’ai pas voulu discuté des idées. On n’enseigne pas des hommes, on enseigne des idées. L’histoire n’est pas la seule science qui existe. Il ya des tas de questions que je n’ai pas soulevées ici, ce n’est pas le moment. Aujourd’hui, on célèbre, on ne discute pas. Or, la caractéristique de l’Université c’est de discuter des idées, c’est la maison de la critique. Or cette société n’aime pas la critique.

 La célébration de la disparition de Cheikh Anta n’a pas été à la hauteur de la dimension de l’homme eu égard à tout ce qu’il a fait pour le développement de  la science et de la recherche, son combat pour la restauration de la conscience africaine. Selon vous qu’est-ce  qu’il faut faire pour que les jeunes et particulièrement les étudiants le connaissent mieux ?


Il n’y a pas que les étudiants qui ne connaissent pas Cheikh Anta Diop. Il y a des gens de ma génération qui ne le connaissent pas. Je connais un professeur d’université qui est en même temps un homme de culture qui m’a dit qu’il n’a jamais lu Cheikh Anta Diop. Les gens ne lisent pas Cheikh, même si, je l’avoue qu’il est difficile à lire. Il y a souvent beaucoup de catalogues dans ses ouvrages. Il y a des gens, quand je leur dis que Cheikh a dit ça, ils disent non, je leur apporte la page pour leur montrer que je n’ai rien inventé. Les gens ne lisent pas, c’est la mode. Ils aiment les choses faciles. C’est pourquoi ils sont dans l’obscurité.

vendredi 7 février 2014

L’ADIE : un géant dans l’ombre

Perdue dans les dédales du technopôle situé sur l’autoroute, l’Agence de l’informatique de l’Etat n’est pas bien connue de la majorité des sénégalais. Pourtant à l’intérieur de ce site aux allures de parc, se passent de grandes choses qui participent de la bonne gouvernance et de l’efficacité de l’administration sénégalaise. Ainsi, dans le cadre de leur programme de pédagogie active, les élèves de la 43 eme promotion du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) sont allés, mardi, à la découverte de ce géant dans l’ombre.

Arrivé à l’entrée du technopôle, le minibus du Cesti a parcouru 500 mètres à peu prés, avant de s’immobiliser devant un bâtiment peint en blanc avec des rayures bleues. Quelques gendarmes constitués en petits groupes observent un silence qui en dit long. Un des élèves descend et s’introduit dans le bâtiment pour demander si c’est dans ces locaux qu’est logée l’Agence de l’informatique de l’Etat. Nous sommes au bon endroit. Au standard règne une ambiance bon-enfant. Le responsable, sourire au coin nous souhaite la bienvenue. Un monsieur de taille moyenne et de teint un peu claire, s’extirpe d’une cabine où de jeunes  techniciens semblent absorber par l’écran de leurs ordinateurs. D'un geste maîtrisé, il tend une main amicale à Mamadou Ndiaye, notre encadreur, par ailleurs enseignant au Cesti. Il souhaite la bienvenue à ses hôtes du jour avec un haussement de la tête accompagné d’un sourire furtif. A peine installés confortablement dans la salle de réunion, un homme de taille moyenne et de teint claire fait son entrée. En costume bleue marine qui contraste bien avec une cravate de couleur grise sur une chemise blanche, le directeur des études et de l’ingénieure de l’Agence n’a pas mis de temps pour démarrer les travaux.

Le projet GIRAFE

A l’écran, le site de l’ADIE sur lequel on pouvait lire« Pour une e-administration efficace au service du e-citoyen ».  Une bonne entrée en matière pour Mayoro Fall  qui a commencé par rappeler  que l’ADIE est née en 2004 sous les cendres de la Direction de l’informatique. Le Directeur des études et de l’ingénieure, air décontracté, a mis l’accent  sur un projet phare de l’Agence dénommée « Gestion intégrée des  Ressources, Administrations et des Fonctionnaires de l’Etat du Sénégal (GIRAFE). Ce projet  d’un coût global de 421 500 000 de CFA est financé par l’Union européenne. Il fédère des chantiers majeurs tels que la mise en place d’une application de gestion des ressources humaines de la Fonction publique, la mise en place d’un fichier unifié des données des agents de l’Etat, l’élaboration d’une nomenclature unique des données de références de l’Etat. L’Agence de l’informatique de l’Etat a réalisé un pas important dans la consolidation du système de gestion des ressources humaines du Ministère de la fonction publique. Avec l’appui financier du Projet de Renforcement des Capacités en Bonne Gouvernance (PRECABG), elle a pu déployer la première version du système qui  est déjà fonctionnel pour les divisions Enseignants et Fonctionnaires du dit Ministère. Dans le même sillage, l’ADIE a initié, en mai 2012, un devis programme qui a pour objectif la mise en œuvre du dispositif de gestion et de mise à jour du fichier unifié des données des personnels de l’Etat. Ce programme est décliné en trois grandes étapes : l’élaboration d’une nomenclature des données unifiées des personnels, la certification des données par un audit physique biométrique et le lancement du dispositif d’échange et de mise à jour des données. La nomenclature unique des personnels administratifs a été validée le 24 octobre  2012 par les différents acteurs. Elle constitue ainsi une structure de base du futur fichier unifié.  Ce dernier sera, selon Mayoro Diagne, composé de quatre chantiers : chantier statut général,  chantiers militaires, chantier paramilitaires et chantier  judiciaire. «  Le système  va retracer la carrière de chaque agent. A terme, nous mettrons à la disposition de tous les agents une carte professionnelle biométrique. Cette carte va contenir toutes les informatives sur l’agent », a expliqué le Directeur des études et de l’ingénieure.

Dernière phase de l’audit physique biométrique

Après la présentation de Mayoro Diagne, nous avons été reçus par la commission spéciale qui officie sous une tente de couleur verte situé juste derrière le grand bâtiment. Au seuil de l’entrée, une voix grave s’échappe de la tente : « bienvenue ! où est votre encadreur ? C’est vous ? Il pointe le doigt sur Mamadou Lamine Ba, un des élèves. Ce dernier, d’un geste de la tête, répond par la négative.  Mamadou Ndiaye, accompagnateur, fait aussitôt son entrée.  A prés les salutations d’usage, notre hôte, la soixantaine, commence la présentation. « La commission spéciale que je dirige a été mise en place le 30 janvier dernier. Après  la phase contentieuse assurée par la commission nationale de traitement des contentieux, notre commission est chargée de la dernière  étape », a-t-il révélé.  Le président de la commission spéciale, après un bref rappel des différentes étapes de la procédure de l’audit physique et biométrique, nous a invité à suivre le déroulement de l’enrôlement d’une dame venue pour régulariser sa situation. La quarantaine, cet agent de teint claire passe, en quelques minutes, de la vérification des pièces justificatives, à la prise des empreintes en passant par la photographie.

Cette dernière phase va mettre un terme à  l’audit physique biométrique  qui a démarré depuis  le 30 novembre 2012. Les résultats définitifs de cet audit vont constituer le fichier unifié permettant de maîtriser non seulement les personnels de l’administration, mais aussi de réduire considérablement la masse salariale de l’Etat du Sénégal qui ne doit pas excéder 35% de ses recettes fiscales.

mardi 4 février 2014

La coopération Sénégal-Pays-Bas revisitée au Cesti

L’ambassadeur des Pays-Bas a été, mercredi, l’hôte du Centre d’études des sciences et techniques de l’information  (Cesti) dans le cadre de son programme de pédagogie active appelé « carrefour d’actualité » . Il a saisi l’occasion pour passer en revue la coopération bilatérale entre la Hollande et le Sénégal. Il a énuméré un certain nombre de contraintes qui font que les investisseurs sont réticents à venir au Sénégal. Avec l’ouverture des débats, les élèves du Cesti ont montré tout l’intérêt qu’ils portent aux questions de l’homosexualité et de l’acharnement supposé de la Cour pénale internationale (CPI) sur les dirigeants africains.

Le Centre d’études des sciences et techniques de l’information a, dans le cadre de son programme de pédagogie active, organisé, mercredi dernier, un atelier sur la coopération bilatérale entre les Pays-Bas et le Sénégal. Le conférencier, en l’occurrence l’ambassadeur des Pays-Bas, a revisité cette coopération qui  lie ces deux pays. «  Depuis 30 ans, notre pays assiste le Sénégal dans plusieurs domaines, particulièrement dans celui de l’environnement. En effet, nous avons été surtout actifs dans la gestion des forêts et des zones côtières », a-t-il précisé. Ainsi, de l’avis de l’ambassadeur, le Sénégal gagnerait à mieux préserver  ses sites historiques tels que Gorée, les iles du Saloum, entres autres.

Echanges commerciaux : 30 millions d’euros par an

 Sur le plan commercial, l’ambassadeur des Pays-Bas évalue le volume des échanges entre le Sénégal et la Hollande à hauteur de 30 millions d’euros par an. (Son nom) n’a pas manqué d’évoquer l’exportation de certains produits Sénégal aux Pays-Bas. En effet, il affirme que son pays accorde des facilités  pour l’entrée de certains produits agricoles comme la mangue sur le marché hollandais. Sous un autre registre,  il a rappelé que certains néerlandais ont investi dans le secteur agricole au Sénégal. « Il y a un de nos compatriote qui a investi  5 millions d’euros à Diass pour la production de haricots verts destinés à la consommation des hollandais », ajoute-il. Une révélation qui a été dénoncée par Mamadou saydou Ba, étudiant en troisième année au Cesti. Il a regretté l’exploitation des terres du Sénégal pour nourrir des néerlandais.

Obstacles aux investissements étrangers

L’ambassadeur des Pays-Bas a aussi relevé plusieurs contraintes qui n’encouragent pas l’arrivée d’investisseurs étrangers au  Sénégal. Selon lui les celles-ci ont trait à la lourdeur de la procédure administrative qui étouffe le secteur privé, la réciprocité des visas, les taxes aéroportuaires, les droits précaires  des investisseurs sur le foncier, le caractère trop contraignant du droit du travail, le problème de l’énergie. Selon lui, les autorités sénégalaises doivent davantage améliorer l’environnement des affaires pour attirer des investissements. « Je ne peux pas convaincre les entrepreneurs néerlandais de venir investir au Sénégal. C’est à eux d’apprécier si le climat des affaires est à même de leur permettre de sécuriser leurs investissements et de faire des profits », dit-il. Kleiweg de Zawaan, Peteir Jean poursuit, « la place du Sénégal dans le classement Diong business de la Banque mondiale me mets mal à l’aise ». L’ambassadeur des Pays-Bas  dit regretter que le Sénégal soit devancé par certains pays tels que la Gambie, la Somalie et l’Afghanistan eu égard à sa stabilité politique et sociale et sa position géographique.

Selon lui, le Sénégal dispose d’un potentiel touristique qui est sous- exploité. Le gouvernement sénégalais gagnerait à consacrer des investissements massifs à ce secteur porteur de croissance pour attirer plus de touristes. Dans le même ordre d’idées, l’ambassadeur des Pays-Bas a révélé qu’un tour opérateur néerlandais dessert Dakar-Amsterdam depuis quelques mois. «  Cela a permis d’augmenter le nombre de visiteurs néerlandais au Sénégal », poursuit-il. Nous avons mis en place un portefeuille pour le financement des projets relatifs aux droits de l’homme. Des projets qui prennent en charge les enfants « talibés ». Nous comptons aussi former certaines femmes qui sont dans les liens de détention dans certains métiers pour préparer leur réinsertion sociale, promet-il.

Points de discorde

Dans sa communication, l’ambassadeur des Pays-Bas a dénoncé la pénalisation de l’homosexualité au Sénégal. Selon lui, son gouvernement combat la discrimination sous toutes ses formes. Dans les débats qui ont suivi cette communication, les élèves du Cesti ont montré avec « vivacité » tout l’intérêt qu’ils portent au thème du jour. Parmi ceux qui ont pris la parole, certains ont fait savoir à l’ambassadeur que la légalisation de l’homosexualité cadre mal avec les réalités socioculturelles du Sénégal. « Ce que vous concevez comme normal chez ne l’est pas forcément chez nous », lui lance Ibrahim Dione, élève en première année au Cesti. Talla Ndiaye, quant à lui, voit dans le respect des droits des homosexuels comme condition à l’aide au développement une sorte de chantage à l’endroit des pays africains.

La question de l’acharnement de la Cour pénale internationale (CPI) sur les dirigeants africains s’est aussi invitée au débat. A en croire Lamine Diédhiou, élève en deuxième année, la CPI applique la politique de deux poids deux mesures. L’institution judiciaire internationale s’acharne sur les dirigeants africains au moment où d’autres dirigeants occidentaux, auteurs de crimes contre l’humanité baignent dans l’impunité absolue, a-t-il ajouté.

Coopération

A la question de Mohamed  Attaher Halidou, étudiant en deuxième année,  sur une éventuelle  coopération entre l’ambassade des Pays-Bas et le Cesti, Kleiweg de Zawaan, Peteir Jean répond : « la rencontre de cette après midi peut être le point de départ d’une future collaboration ».