Perché
sur l’une des mamelles de Ouakam, le monument de la renaissance africaine se
situe à moins de 200 mètres de l’autre mamelle sur laquelle trône le phare. Sa stature imposante que certains habitants
de la capitale sénégalaise l’aperçoivent
de loin. L’opportunité de ce colosse inauguré le 3 avril 2010 continue de faire
l’objet de controverses. Selon certaines personnes rencontrées, la
fréquentation a baissé du fait de la
conjugaison de plusieurs facteurs.
Le monument de la
renaissance africaine surplombe les quartiers de Ndiayène et de Cité
Toucouleurs du village traditionnel de Ouakam où des maisons en baraque ou en
banco font encore partie du décor. La route des mamelles sépare ces deux
« mondes » dont le contraste est intrigant. Sous le pont de cette route, un gendarme en
faction assis sur un banc à 2 mètres des barrières de sécurité, manipule un
portable. Deux panneaux sont contigus à ces barrières. Sur l’un sont précisées
les horaires de visite. Sur l’autre il est écrit « la pratique
sportive est formellement interdite dans l’enceinte du monument de la
renaissance ». Sur la question de sécurité, le gendarme en faction
affirme : « je ne suis pas habilité à en parler ». Il se
lève et montre du doigt son supérieur
qui discute avec des photographes au pied du monument. « Lui
pourrait peut-être vous donner des informations », poursuit-il. Interrogé,
son supérieur nous fait savoir qu’il leur est interdit de parler aux
journalistes. C’est pourquoi, il a préféré requérir l’anonymat. « Il n’y a
eu aucun problème majeur depuis l’inauguration du monument. Les visiteurs
viennent et repartent en sécurité ». Ousseynou Bissichi, chef des
opérations du monument confirme : « la gendarmerie assure la sécurité
des alentours, les sapeurs pompiers s’occupent de la sûreté à l’intérieur même
du monument ».
« Du point de vue
touristique c’est formidable, mais… »
Au pied du monument,
des bambins déchaînés et enthousiastes se laissent glisser sur les rebords des
marches. Un flux incessant de visiteurs montent et descendent des marches.
Parmi ceux-ci, un couple franco-sénégalais. Cingili Guèye, française de taille
moyenne contemple admirativement le monument avant de laisser échapper ces
mots : « c’est très joli. On sent l’amour. Le papa porte son enfant à
côté de sa femme. Ils regardent vers l’avenir ». Cette française affirme
qu’il y a un contraste entre cette partie de Dakar et la pauvreté qui sévit
dans le reste du Sénégal. Elle ajoute que les touristes qui ne visiteront que le monument diront que le
Sénégal n’est pas un pays pauvre.
« Du point de vue touristique c’est formidable, mais j’estime que l’argent
de ce monument aurait mieux servi ailleurs », a-t-elle regretté. Son époux
de taille moyenne et de teint noir, lui coupe la parole et corrobore ses
propos. Cheikh Bamba Guèye vêtu d’un
costume noir, écharpe bleu-marine nouée autour du cou, estime: « les
18 milliards consacrés à la construction de ce monument auraient pu servir à la
création d’emplois pour les jeunes. Cet argent aurait aussi pu être injecté dans les secteurs de la
santé et de l’éducation. Dans les hôpitaux, si tu n’as de moyens, on ne te
prend pas. C’est la pauvreté partout. Le monument est beau, les étrangers viennent
visiter, mais pour moi, la priorité était ailleurs ».
Baisse de la
fréquentation
Au même moment, des
photographes qui rappellent les paparazzis, guettent l’arrivée des visiteurs.
Abdoulaye Ba, 29 ans, vêtu d’un jogging de couleur grise, appareil photo en
main, fréquente le monument depuis son inauguration. Il confie : « au
début, notre travail marchait très bien. Actuellement, ça ne marche plus, car
la majeure partie des visiteurs viennent avec leurs appareils numériques ou
leurs téléphones portables. Presque tous les touristes étrangers disposent
d’appareils numériques. En plus, les administrateurs ont divisé les
photographes en deux groupes. Aujourd’hui c’est notre groupe qui vient travailler,
demain ce sera le tour de l’autre groupe. Cette décision a compliqué davantage
notre situation. Les visiteurs se font de plus en plus
rares ». « Si tu vois qu’il ya beaucoup de monde aujourd’hui,
c’est parce qu’il y a des élèves (il fait allusion aux étudiants de
l’université du Sahel) qui sont venus
visiter le monument. Cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu autant de
visiteurs ». El hadj Sarr, les yeux rouges derrière ses grosses lunettes,
confirme les propos de son collègue. « Du temps du régime de Wade, il y
avait beaucoup de chefs d’Etats qui venaient visiter le monument. Ce n’est plus
le cas. Il s’y ajoute que cette route qui passe devant le monument est
maintenant fermée aux voitures. Ce qui fait que la fréquentation a
considérablement baissé ». Une affirmation que réfute le Chef des
opérations du monument. Pour Ousseynou Bissichi « considérablement
baissé » c’est trop dire. Selon lui, le nombre de visiteurs varie selon
les périodes. « De juin à juillet et de novembre à janvier, nous
recevons beaucoup de visiteurs nationaux et étrangers. En dehors de ces
périodes, le flux baisse », a-t-il révélé. Il ajoute que la baisse du
flux touristique noté au niveau national n’a pas épargné le monument ».
Ambiance carnavalesque
Des batteurs de tam-tam
assistés de deux danseurs sont installés sur la terrasse située à droite des
marches du monument. Le rythme mélodieux et les pas mesurés et coordonnés des
danseurs immobilisent certains visiteurs. Khadija Sow, tout en sueur après une
danse énergique, précise : « nous ne sommes pas des animateurs du monument.
Les autorités du monument nous ont donné l’autorisation de faire nos répétions
ici. Elles y gagnent aussi car nous sommes là tous les après-midi. Nous faisons
de la danse afro comptemporaine et vous
voyez (elle montre du doigt des spectateurs) que les visiteurs aiment ».
De l’autre côté, le
théâtre des verdures accueille, ce
samedi, les étudiants de l’université du Sahel dans le cadre d’une sortie
pédagogique. Aliou Boiro âgé de 22ans, étudiant dans cette université affiche
sa satisfaction de leur visite. « Je passe toujours à côté du monument en
voiture. Mais c’est aujourd’hui que j’ai
eu la chance d’entrer dans le monument. Je suis vraiment impressionner par ce que
j’ai vu ». Les mains dans les poches de son pantalon bleu-marine, air décontracté
dans sa chemise bleu-claire et sa cravate rouge bordeaux flottant sous l’effet
du vent qui devenait de plus en plus « agressif », il fixe, admiratif,
le monument et lâche : « pour moi ce monument n’est pas du gâchis comme le
pensent certains, il est tout simplement une merveille ».
Le déhanchement des
étudiants de l’université du Sahel au rythme de coupé-décalé mêlé au son des
tam-tam, donne au monument une ambiance carnavalesque.
Durée de vie :
1200 ans
Le monument de la
renaissance africaine s’étend sur une surface bâtie de 1154 m 2 sur une
superficie totale de 1927 m2. Il pèse 7000 tonnes (la dame 70 tonnes, l’homme
100 tonnes, l’enfant 20 tonnes et le socle en béton armé qui tient la statue en
cuivre 6810 tonnes). Sa hauteur est de 52 mètres (de la cheville de la dame
jusqu’au doigt de l’enfant). Sa durée de vie est estimée à 12 siècles, soit 1200
ans. La statue abrite en son sein des salles de spectacles et d’exposition, d’une
salle VIP dédiée aux personnalités mais ouverte à tous les visiteurs. Le ticket
individuel est fixé à 3000 F CFA pour les africains et à 6500 F CFA pour les
non africains. Les recettes annuelles sont estimées entre 36.000.000 F CFA et
48.000.000 F CFA. La statue est composée de 15 niveaux. Le dernier se confond
avec le bonnet de l’homme. Un belvédère qui offre une vue panoramique sur
Dakar.
A 19 heures, de l’esplanade
du monument, on aperçoit le soleil afficher ses derniers signes de vie avant de
sombrer dans les eaux de l’océan atlantique. La brise « agressive » qui vient de
la mer située à quelques mètres de là, contraint les visiteurs à vider les
lieux ». Le jeune gendarme en faction lui, semble y être habitué. Il
continue de veiller au grain en manipulant toujours son portable.
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