vendredi 14 février 2014

Amady Aly Dieng, professeur d’économie, « Cheikh Anta est difficile à lire »



Le Cesti a fêté, mercredi, dans ses locaux, la disparition de Cheikh Anta Diop. Cette manifestation rentre dans le cadre de son programme de pédagogie active qui vise le renforcement de la culture générale de ses pensionnaires. En marge de cette conférence, Amady Ali Dieng, professeur d’économie, nous a livré ses sentiments sur la célébration du décès de Cheikh Anta Diop, sur leur contradiction relative à l’unité culturelle de l’Afrique, sur le désintéressement des jeunes par rapport à la lecture.


Monsieur Amady Aly Dieng, je vous rencontre pour  une énième fois dans des lieux de débats et de discussions. A chaque fois, je vous vois avec un sachet contenant un livre. Quels rapports entretenez-vous avec le livre ?

Le livre est l’arme des occidentaux pour nous dominer. C’est nous qui passons notre temps à valoriser l’oralité qui ne laisse absolument rien. Amadou Hampathé Ba dit qu’un vieillard qui meurt en Afrique, c’est une bibliothèque qui brûle, mais tous les vieillards ne sont pas des savants. Le vieillard n’a pas écrit, il a laissé la parole. Il faut que nous acceptions de voir la faiblesse de nos sociétés pour pouvoir avancer. C’est de cette manière seulement qu’on pourrait se perfectionner. Quand on est parfait, on n’a plus rien à faire.

« Où est la bibliothèque de Cheikh Anta ? »

Je conseille aux jeunes de lire, de faire la tradition de bibliothèque. Les gens quand ils meurent, c’est fini. Où est la bibliothèque de Cheikh Anta ? A qui il l’a léguée ? C’est pourquoi  je me suis permis de donner une partie de ma bibliothèque à l’Université de Dakar. Ça va se dégénérer purement et simplement. Dans les lycées, il faut promouvoir la lecture. Même s’il faut reconnaître qu’à l’heure actuelle qu’elle est très difficile à mener parce que il y a l’audiovisuel.

Que pouvez- vous nous dire sur la thèse de Cheikh Anta Diop  relative à l’unité culturelle de l’Afrique ?

Sur cette question, nous avons discuté, lui (Cheikh Anta Diop) et moi. J’ai même fait le compte rendu de son livre sur les fondements culturels dont le titre a d’ailleurs complètement changé entre deux éditions. Les gens n’y font même pas attention. Il y a des passages même qui sont biffés. Pourquoi ça été biffé ? Il y a une raison bien sûr.

« Pour être fécond, il faut être infidèle au texte »

 Les gens font une lecture littérale, ils sont fidèles au texte. Alors que pour être fécond, il faut être infidèle au texte ; C’est à dire y voir des choses qui n’y sont pas. Des choses qu’on ne peut pas voir ou qu’on ne peut pas entendre. Malheureusement, cela fait partie de notre culture. Aujourd’hui, je n’ai pas voulu discuté des idées. On n’enseigne pas des hommes, on enseigne des idées. L’histoire n’est pas la seule science qui existe. Il ya des tas de questions que je n’ai pas soulevées ici, ce n’est pas le moment. Aujourd’hui, on célèbre, on ne discute pas. Or, la caractéristique de l’Université c’est de discuter des idées, c’est la maison de la critique. Or cette société n’aime pas la critique.

 La célébration de la disparition de Cheikh Anta n’a pas été à la hauteur de la dimension de l’homme eu égard à tout ce qu’il a fait pour le développement de  la science et de la recherche, son combat pour la restauration de la conscience africaine. Selon vous qu’est-ce  qu’il faut faire pour que les jeunes et particulièrement les étudiants le connaissent mieux ?


Il n’y a pas que les étudiants qui ne connaissent pas Cheikh Anta Diop. Il y a des gens de ma génération qui ne le connaissent pas. Je connais un professeur d’université qui est en même temps un homme de culture qui m’a dit qu’il n’a jamais lu Cheikh Anta Diop. Les gens ne lisent pas Cheikh, même si, je l’avoue qu’il est difficile à lire. Il y a souvent beaucoup de catalogues dans ses ouvrages. Il y a des gens, quand je leur dis que Cheikh a dit ça, ils disent non, je leur apporte la page pour leur montrer que je n’ai rien inventé. Les gens ne lisent pas, c’est la mode. Ils aiment les choses faciles. C’est pourquoi ils sont dans l’obscurité.

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