Le Cesti a fêté, mercredi, dans ses locaux, la disparition de Cheikh
Anta Diop. Cette manifestation rentre dans le cadre de son programme de
pédagogie active qui vise le renforcement de la culture générale de ses
pensionnaires. En marge de cette conférence, Amady Ali Dieng, professeur
d’économie, nous a livré ses sentiments sur la célébration du décès de Cheikh
Anta Diop, sur leur contradiction relative à l’unité culturelle de l’Afrique,
sur le désintéressement des jeunes par rapport à la lecture.
Monsieur Amady Aly Dieng, je vous rencontre pour une énième fois dans des lieux de débats et
de discussions. A chaque fois, je vous vois avec un sachet contenant un livre.
Quels rapports entretenez-vous avec le livre ?
Le livre est l’arme des
occidentaux pour nous dominer. C’est nous qui passons notre temps à valoriser
l’oralité qui ne laisse absolument rien. Amadou Hampathé Ba dit qu’un vieillard
qui meurt en Afrique, c’est une bibliothèque qui brûle, mais tous les
vieillards ne sont pas des savants. Le vieillard n’a pas écrit, il a laissé la
parole. Il faut que nous acceptions de voir la faiblesse de nos sociétés pour
pouvoir avancer. C’est de cette manière seulement qu’on pourrait se
perfectionner. Quand on est parfait, on n’a plus rien à faire.
« Où est la bibliothèque de
Cheikh Anta ? »
Je conseille aux jeunes de lire,
de faire la tradition de bibliothèque. Les gens quand ils meurent, c’est fini.
Où est la bibliothèque de Cheikh Anta ? A qui il l’a léguée ? C’est
pourquoi je me suis permis de donner une
partie de ma bibliothèque à l’Université de Dakar. Ça va se dégénérer purement
et simplement. Dans les lycées, il faut promouvoir la lecture. Même s’il faut
reconnaître qu’à l’heure actuelle qu’elle est très difficile à mener parce que
il y a l’audiovisuel.
Que pouvez- vous nous dire sur la thèse de Cheikh Anta Diop relative à l’unité culturelle de
l’Afrique ?
Sur cette question, nous avons
discuté, lui (Cheikh Anta Diop) et moi. J’ai même fait le compte rendu de son
livre sur les fondements culturels dont le titre a d’ailleurs complètement
changé entre deux éditions. Les gens n’y font même pas attention. Il y a des
passages même qui sont biffés. Pourquoi ça été biffé ? Il y a une raison
bien sûr.
« Pour être fécond, il faut
être infidèle au texte »
Les gens font une lecture littérale, ils sont
fidèles au texte. Alors que pour être fécond, il faut être infidèle au
texte ; C’est à dire y voir des choses qui n’y sont pas. Des choses qu’on
ne peut pas voir ou qu’on ne peut pas entendre. Malheureusement, cela fait
partie de notre culture. Aujourd’hui, je n’ai pas voulu discuté des idées. On
n’enseigne pas des hommes, on enseigne des idées. L’histoire n’est pas la seule
science qui existe. Il ya des tas de questions que je n’ai pas soulevées ici,
ce n’est pas le moment. Aujourd’hui, on célèbre, on ne discute pas. Or, la
caractéristique de l’Université c’est de discuter des idées, c’est la maison de
la critique. Or cette société n’aime pas la critique.
Il n’y a pas que les étudiants
qui ne connaissent pas Cheikh Anta Diop. Il y a des gens de ma génération qui
ne le connaissent pas. Je connais un professeur d’université qui est en même
temps un homme de culture qui m’a dit qu’il n’a jamais lu Cheikh Anta Diop. Les
gens ne lisent pas Cheikh, même si, je l’avoue qu’il est difficile à lire. Il y
a souvent beaucoup de catalogues dans ses ouvrages. Il y a des gens, quand je
leur dis que Cheikh a dit ça, ils disent non, je leur apporte la page pour leur
montrer que je n’ai rien inventé. Les gens ne lisent pas, c’est la mode. Ils
aiment les choses faciles. C’est pourquoi ils sont dans l’obscurité.
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